S. Gros, La Part Manquante

La part manquante : Échanges et pouvoirs chez les Drung du Yunnan (Chine),
par Stéphane Gros :
Les Drung (Dulong), habitants des confins montagneux de la province du Yunnan en Chine, à la frontière du Tibet et de la Birmanie, s’affichent souvent comme des démunis. Au fil de l’enquête, l’expression d’un manque revenait souvent dans les propos de mes interlocuteurs comme un argument identitaire rendant compte de leur situation passée et présente. Or, l’avènement de la République populaire de Chine (1949) a marqué une profonde rupture. D’esclaves en puissance, les Drung sont devenus une « nationalité minoritaire » qui s’efforce de trouver une place au sein de la société chinoise. Comment perçoivent-ils cette transition entre l’oppression passée et la situation sociale présente ? 
La mise au jour d’une logique historique de dépossession, qui a structuré cette société, ouvre sur une analyse transversale de la morphologie sociale. Dans la pratique du tatouage facial féminin, dans les relations d’alliance et de filiation, émerge la figure du manque, qui rend compte d’un ensemble de traits fondamentaux de cette société. « La part manquante », au cœur de la dynamique sociale, anime les échanges et assure le flot de la fertilité, la continuité des pouvoirs nécessaires à la perpétuation de ces relations – et donc de la société. Cette étude sur les Drung, la première en langue occidentale à ce jour, livre ainsi une ethnographie détaillée des relations de pouvoir et des principes régissant la reproduction sociale.

 

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